ANTIHORMONES

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ANTIHORMONES

ANTIHORMONES

La notion d’antihormone s’applique aujourd’hui aux molécules capables d’inhiber de façon compétitive la formation du complexe hormone-récepteur. Sa définition première, désignant toute substance capable de s’opposer aux effets résultant de l’action d’une hormone, a donc été restreinte. En effet, différents mécanismes peuvent rendre compte de ce phénomène: diminution de la biosynthèse de l’hormone, augmentation de sa dégradation, inhibition directe ou indirecte au niveau du récepteur de l’hormone considérée. Seul ce dernier mécanisme est pris en considération dans l’acception moderne du terme antihormone.

C’est dans le domaine stéroïdien que la recherche d’antihormones s’est avérée la plus fructueuse, et il servira donc ici d’exemple. Il existe du reste sur le marché pharmaceutique au moins une antihormone pour chacune des cinq classes: estrogènes, progestagènes, androgènes, glucocorticoïdes et minéralocorticoïdes. Bien que cette notice se limite à faire le point sur les antihormones stéroïdes, on doit signaler que dans le domaine des hormones peptidiques diverses antihormones agissant au niveau de récepteurs peptidiques ont également été découvertes (anti-LHRH, antivasopressine, anticholécystokinines...). Cependant, aucune d’entre elles n’a, à ce jour, franchi le stade de l’expérimentation clinique.

C’est au cours des années 1960 que l’utilisation des stéroïdes naturels ou synthétiques radioactifs a permis de mettre en évidence, au niveau des cellules cibles sur lesquelles agissent ces hormones, la présence des récepteurs , protéines ayant une faible capacité de liaison, mais avec laquelle l’hormone se liait avec une forte affinité. C’est le récepteur des estrogènes qui a été découvert le premier, et aujourd’hui les séquences en acides aminés des récepteurs de chacune des hormones stéroïdes sont décrites. Si, dans un premier temps, on a pensé que la formation du complexe hormone-récepteur se réalisait dans le cytoplasme de la cellule cible, par la suite il a été démontré, du moins jusqu’à ce jour, pour l’estradiol et la progestérone, que cette liaison se produit en fait dans le noyau de ces cellules. Le complexe ainsi formé entraîne l’activation du récepteur, lui conférant ainsi la capacité de se fixer au niveau des HRE (hormone regulating elements ), segments d’ADN qui font partie des gènes dont les hormones stéroïdes modifient la transcription. Il en résulte une réponse biologique qui, selon la cellule cible, se caractérise par une modification de son pouvoir métabolique, de sa croissance, etc.

Entre 1970 et 1980, diverses firmes pharmaceutiques ont exploité les résultats de la recherche fondamentale pour mettre progressivement en place une méthodologie d’exploration des propriétés des antihormones grâce à un tri moléculaire comprenant trois étapes. La première consiste, pour chaque molécule synthétisée, en l’évaluation de son affinité pour les cinq classes de récepteurs stéroïdiens. Dans une deuxième étape, la molécule est étudiée sur un modèle de culture cellulaire permettant de savoir si elle se comporte

– soit comme un agoniste: elle induit alors une réponse identique à celle de l’hormone naturelle;

– soit comme un antagoniste: elle s’oppose totalement à l’action de l’hormone tout en étant dépourvue d’activité agoniste;

– soit comme un antagoniste partiel: elle induit dans ce cas, par elle-même, une faible activité antagoniste mais, mise en présence de l’hormone naturelle, elle s’oppose partiellement à son effet.

Les deux premières étapes, du fait qu’elles sont réalisées in vitro, sont d’une mise en œuvre rapide et ne nécessitent qu’une très faible quantité de produit, de l’ordre du milligramme. La molécule est ensuite étudiée in vivo sur un ensemble de modèles afin de confirmer dans une troisième étape, beaucoup plus laborieuse, qu’elle est active dans l’organisme tout comme in vitro. En réalité, la plupart des molécules à propriétés antagonistes actuellement commercialisées ou sur le point de l’être ont été mises en évidence directement in vivo, bien avant que les récepteurs ne soient identifiés ou que la méthodologie décrite ci-dessus ne soit opérationnelle. Ainsi, c’est en 1956 que l’activité antiminéralocorticoïde de la spironolactone a été mise en évidence. Au cours des années 1960, deux antiestrogènes présentant des similitudes structurales avec les stéroïdes, le tamoxifène et le clomiphène, ainsi qu’un antiandrogène stéroïdien, l’acétate de cyprotérone, ont été découverts. Enfin, entre 1970 et 1975, deux antiandrogènes de structure non stéroïdienne, le flutamide et le nilutamide, ont été décrits. Leur mécanisme d’action n’a été établi que plus tardivement; il repose sur l’inhibition compétitive de la formation du complexe de l’hormone avec son récepteur. La seule antihormone issue de la méthodologie précédemment décrite est la mifépristone. Cette molécule, découverte en 1981, manifeste à la fois de puissantes activités antiprogestérones et antiglucocorticoïdes ainsi qu’une activité antiandrogène modérée.

Les utilisations thérapeutiques des antihormones stéroïdes sont résumées ci-dessous.

Antiestrogènes : l’indication thérapeutique principale demeure le traitement du cancer du sein de type hormonodépendant. Le seul produit actuellement sur le marché dans cette indication est le tamoxifène . Le clomifène , autre antiestrogène, est utilisé dans le traitement de l’infertilité anovulatoire due à un mauvais fonctionnement de l’axe hypothalamo-hypophysaire. Ces deux antihormones, de structure non stéroïdienne, ne sont que des antagonistes partiels. Récemment, quelques firmes pharmaceutiques ont découvert des antagonistes dépourvus d’activité estrogène qui inhibent la croissance de cellules malignes humaines insensibles à l’action du tamoxifène. Ce genre de molécule pourrait conduire à une amélioration significative du traitement du cancer du sein.

Antiprogestérones : ce type de molécule est susceptible d’application dans certaines indications gynéco-obstétricales (contraception, interruption de la grossesse, endométriose) et dans le traitement de tumeurs hormonodépendantes (cancer du sein en association avec un antiestrogène, tumeurs cérébrales bénignes et malignes). Seule antiprogestérone ayant obtenu l’autorisation de mise sur le marché (France, 1989), la mifépristone a pour unique indication l’interruption volontaire de grossesse (I.V.G.), dans laquelle elle représente une alternative chimique à la méthode d’aspiration. Sa commercialisation — sous la dénomination RU 486 — ouvre une étape nouvelle en matière de contraception.

Antiglucocorticoïdes : hormis le traitement de la maladie de Cushing, les antiglucocorticoïdes sont susceptibles d’application dans le traitement du glaucome et dans certains types d’hypertension, dans la cicatrisation, dans le traitement de certaines tumeurs hépatiques. La mifépristone est le seul antiglucocorticoïde connu à ce jour ayant franchi le stade de l’expérimentation clinique, mais ses autres composantes antihormonales pourraient en limiter l’utilisation. Il existe actuellement, au stade de la recherche, de nombreuses molécules dont les propriétés sont dissociées, c’est-à-dire ne présentant qu’une composante, soit antiglucocorticoïde, soit antiprogestérone.

Antiandrogènes : leurs indications thérapeutiques potentielles recouvrent le traitement du cancer de la prostate, de l’hirsutisme, des hyperséborrhée, acné et alopécie androgéniques. Les produits actuellement commercialisés sont le flutamide et le nilutamide , dérivés non stéroïdes prescrits uniquement dans les cas de cancer de la prostate, et un stéroïde, l’acétate de cyprotérone , prescrit dans les cas de cancer de la prostate et dans le traitement d’hirsutisme sévère. Des antiandrogènes actifs localement et dépourvus d’activité systémique sont en cours d’étude clinique. Ce type de molécule sera proposé pour le traitement de l’hyperséborrhée, de acné et de l’alopécie androgéniques.

Antiminéralocorticoïdes : préconisés dans le traitement de l’hyperaldostéronisme et de l’hypertension artérielle; deux produits sont actuellement commercialisés, la spironolactone et le canrénone . La spironolactone dans ces mêmes indications est souvent associée à un diurétique thiazidique, l’altizide.

Encyclopédie Universelle. 2012.

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